Dunes Editions - Tunis
Le Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine de Tunisie
L'Ambassade de France à Tunis
L'institut Français Culturel
&
L'Association Artistique Alexandre Roubtzoff
Présentent :
LA MÉDINA DE TUNIS et ALEXANDRE ROUBTZOFF
Présentation de La
Médina de Tunis et Alexandre Roubtzoff
Diwan Dar el Djeld, mercredi 8 décembre 2010
Je ne présenterai pas
Jacques Pérez et Jamila Binous, je me contenterai de parler de leur rencontre
avec la médina, dans l’espace circonscrit de ce livre.
Le titre de cet ouvrage La Médina de Tunis et Alexandre Roubtzoff dévoile, à lui seul, l’intention de ses
auteurs. Jacques Perez et Jamila Binous ne retracent pas, dans cet ouvrage, la
seule histoire de la médina de Tunis et de ses monuments. Leur parcours à
travers les dédales des ruelles de la vieille ville où ils habitent, qu’ils
aiment, dont ils connaissent le passé, le présent, la moindre évolution mais
aussi les bruits, les odeurs et les ombres et les lumières, est guidé par
Alexandre Roubtzoff, ce peintre d’origine russe qui, comme l’écrit Jacques
Perez, « a hanté la médina jusqu’à en connaître par cœur chaque détail, à
en capter les silhouettes et les attitudes des hommes qui l’habitent. »
L’originalité du livre ne se
situe pourtant pas seulement dans la superposition des regards du peintre
Alexandre Roubtzoff, du photographe Jacques Perez et de l’historienne Jamila
Binous, mais dans la démarche adoptée par les deux auteurs. Au commencement, il
n’y a pas la ville mais des dessins de la ville, des dessins d’un peintre qui,
venant de la lointaine Russie, a posé sur la vieille médina un regard neuf, chargé
d’une sensibilité porteuse d’une autre culture.
Jacques Perez a suivi le
cheminement du peintre, mais artiste lui-même, il s’est dégagé de toute
aliénation, dévoilant sa propre représentation de la ville. Même lorsque la
photographie se veut fidèle au dessin et emprunte le même modèle, par delà le
changement que le temps n’a pas manqué d’opérer, apparaît un nouveau détail,
une nouvelle perspective. Le dessin et la photo qui, par exemple, représentent
le koutteb de la rue Bir Lahjar
(p.51) semblent, à première vue, saisir les mêmes éléments, mais une
observation plus attentive laisse apparaître des regards différents, des
proportions différentes, des angles de
vue différents. Dans le dessin de Roubtzoff, le passage, le sabbat, avec son arc, sa colonne et sa
petite fenêtre est saisi de l’extérieur, dans la photo de Jacques, il est pris
de l’intérieur, comme si le photographe
voulait pénétrer toujours plus avant au cœur de la ville.
Jacques Pérez ne s’est pas
contenté de photographier le monument, la rue, le détail qui a retenu
l’attention du peintre Roubtzoff. Son objectif n’était pas de confronter le
dessin à l’image et le passé au présent mais de recomposer, à travers des
angles et des perceptions différentes, la ville, je dirai plutôt sa ville. Ainsi
par exemple, alors que le dessin de Roubtzoff intitulé « Rue El Métihra et
rue des teinturiers » (p 211) représente, en les confondant presque dans
un même plan, la coupole d’un mausolée et un étal d’herboriste, Jacques Pérez
saisit un détail et lui donne, grâce au jeu de la lumière, une indéniable
poésie. Ce même détail est parfois agrandi et un nouvel aspect de l’objet,
invisible dans le cliché précédent,
s’impose au regard. Une des photos, figurant sur la même page,
représente une rue en perspective. Sur la gauche, on voit, accrochée sur un mur
blanc, une natte au dessus de laquelle une gerbe de plantes séchées est
suspendue. Un autre cliché, reprenant ce détail, nous donne à voir dans des
tons différents, légèrement plus sombres, un pan de la natte et la gerbe. Une
tache de lumière, pourtant diffuse et voilée, dévoile toute la gamme de couleurs qui compose le bouquet : rose, mauve, blanc,
vert etc.
Si les dessins et les
photographies dévoilent la subjectivité des auteurs, l’organisation du livre,
c’est-à-dire son plan et sa conception reflètent leur représentation de la
ville. Le livre se divise en trois
sections consacrées aux quartiers qui gravitent autour de Sidi Mahrez, de la
Grande Mosquée de la Zitouna et de Tourbet el Bey, ces trois parties sont
précédées d’un historique de la ville.
La première partie de
l’ouvrage qui est consacrée au quartier Sidi Mahrez rend un véritable hommage
au saint patron de la ville dont la piété s’exprime dans son attachement à
l’islam mais aussi dans l’intérêt qu’il porte aux autres civilisations et aux
autres religions. Dans ce livre figure un poème de Sidi Mahrez, « Sur les
ruines de Carthage », qui témoigne de cette ouverture d’esprit : Je
vous donne la lecture des strophes 2 et 3.
Pourquoi ce vide après la joie ?
Ce dénuement après la
gloire ?
Ce néant qui fut une
ville ?
Qui répondra ? Rien que
le vent
Qui remplace le chant des
prêtres
Et disperse les âmes jadis
rassemblées.
Sidi Mahrez est aussi celui qui a œuvré à la prospérité
de Tunis en affectant aux juifs le quartier de la hara. Cette figure du saint et du poète, que sa préoccupation de
l’au-delà n’a pas coupé du monde d’ici-bas, est-il étonnant qu’il figure à
l’ouverture de ce livre, qui se veut le livre de la rencontre de l’histoire et
de l’art mais aussi le livre de la rencontre avec l’autre. Roubtzoff est,
ne l’oublions pas, russe !
La Médina de Tunis et Alexandre
Roubzoff est aussi un livre académique, dans la mesure
où il a donné lieu à un travail précis. Jamila Binous a retracé l’histoire de la
ville, de son évolution, des destructions et des constructions au gré des
luttes politiques qu’a connues la Tunisie. Outre le texte introductif, les
dessins et les photographies qui retracent l’histoire de Tunis et de ses
monuments, le livre comporte des gravures de la ville et de ses environs, de
l’armée de Charles Quint, de la prise de la Goulette par les Turcs, etc.
Dans cet ouvrage, chaque
image est commentée et si les commentaires font référence à l’histoire, ils
relatent aussi des légendes et des mythes et font de ce livre d’histoire, un
ouvrage d’ethnologie. Dans la biographie de Sidi Mahrez, on peut lire, par
exemple :
« On lui attribue aussi
le pouvoir d’agir à distance ; il lui suffit de jeter l’anathème sur
quelque ennemi pour que celui-ci ne puisse pas échapper au châtiment divin. Tel
sera le sort de l’émir Ziride Ibn Badis qui s’apprêtait à attaquer Tunis pour
venger les centaines de chiites exterminés, d’ailleurs avec l’assentiment de
Sidi Mahrez lui-même. Une nuée de tentes déployées près du Séjoumi fait
trembler les Tunisois. Leur Saint les rassure et, du haut de la colline, prie
Dieu pour que périsse Ibn Badis et que Tunis soit protégé. Le lendemain, on
retrouve l’émir transpercé par sa propre
épée, sous sa tente de soie. »
Les dessins de Roubtzoff,
comme celui du marchand de beignets (p 104), des ustensiles nécessaires à la
préparation du café, des citadins portant turbans ou fez, des fumeurs de
narguilé sont autant d’exemples qui montrent la portée ethnologique du livre.
Ainsi, plus de sa valeur
académique et artistique, ce livre tient sa valeur de la rencontre qu’il opère
entre les hommes et les civilisations, puisque les dessins de Roubtzoff qui a
fui son pays pour s’installer à Tunis, en constituent l’ossature.
Je voudrais pour finir,
remercier mes amis Jacques et Jamila d’avoir réalisé cet ouvrage à un moment où
le monde va si mal et où les crispations et les rejets font rage.
Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi
Exposition ouverte du 2 Décembre 2010 au 3 Janvier 2011 à la Maison des Arts.
Une exposition exceptionnelle
rassemblant des dessins, des croquis inédits et des peintures
d'Alexandre Roubtzoff provenant de collections particulières sera
organisée à la Maison des arts au Belvédère-Tunis, du 2 décembre 2010
au 2 janvier 2011, par l'Institut français de coopération (IFC).
A cette occasion, Jacques Perez signera son nouveau livre consacré au
peintre et intitulé aussi "La Médina de Tunis et Alexandre Roubtzoff'',
qui vient de paraître aux Dunes éditions, Tunis 2010.
Il s'agit d'un livre d'art de 228 pages illustré de 400 photographies
et de 54 dessins et croquis réalisés par Alexandre Roubtzoff
(1884-1949), ainsi que des photographies de Jacques Pèrez, dans un
texte de l'historienne Jamila Binous.
Source: La Presse.